LUTTE CONTRE LE CHARANCON ET LE PAPILLON DES PALMIERS
Les palmiers de la Côte d’Azur sont actuellement menacés de disparition par les attaques de deux ravageurs, le charançon rouge (Rhynchophorus ferrugineus) et le papillon (Paysandisia archon).
Le charançon, en provenance d’Asie, a atteint la Côte -d’Azur en 2008 après avoir décimé de nombreux palmiers du Var, du Languedoc et de la Côte Ligure. Il s’attaque surtout aux Phoenix canariensis espèce prédominante sur la Côte-d’Azur.
Les charançons adultes sont de grands coléoptères couleur brun rougeâtre d’environ 4 cm de long, tandis que les larves adultes sont de couleur crème, n’ont pas de pattes et peuvent atteindre jusqu’à 5 cm de long.
Le papillon, en provenance d’Amérique du Sud, est d’introduction plus récente, il s’attaque surtout aux Chamarops, aux Trachycarpus et aux Brahéa espèces moins présentes. Le papillon adulte, de couleur irisée brun et rouge, a une envergure de 12 cm et est facilement identifiable grâce à cette taille exceptionnelle. Les larves adultes (semblables aux larves de charançons) ont par contre 3 paires de pattes et sont un peu plus longues (jusqu’à 8 cm).
Mode d’action
Les femelles des 2 ravageurs pondent des œufs à la base des pétioles (tige de la palme) sortant du cœur du palmier. Les larves naissantes se nourrissent ensuite des tissus vivants des pétioles et vont se déplacer à l’intérieur du cœur du palmier pour se nourrir des tissus mous des palmes non encore déployées. Les larves matures fabriquent ensuite un cocon avec les fibres du palmier et entre dans la phase de nymphose.
Une nouvelle génération de ravageurs se développe ensuite au cœur du même palmier et le même processus reprend jusqu’à destruction complète du cœur entraînant la mort du palmier.
Le palmier est un monocotylédone (une herbe géante) de la famille des Arécacées et, contrairement aux arbres, n’a pas de processus de régénération de sa partie apicale. La destruction du bourgeon terminal (méristème apical) soit par le gel, soit dans ce cas par les ravageurs, le conduira irrémédiablement à sa perte.
Seuls certains palmiers drageonnant comme les Phoenix dactylifera (dattier) ou les Chamaerops pourront survivre en reformant un nouveau stipe (tronc) à partir de leur souche.
Ce processus de régénération est d’ailleurs utilisé dans les palmeraies de production de dattes.
Symptômes
Les symptômes précoces d’infestations sont peu visibles, les larves agissant uniquement à l’intérieur du cœur du palmier.
Ensuite lorsque l’infestation devient plus marquée, l’on constatera un moindre développement de la couronne, un désaxement du bourgeon apical, un affaissement inhabituel de la partie basse de la couronne (les palmes les plus anciennes), une chute anormale de palmes encore vertes, un dessèchement prématuré de palmes, des galeries visibles à la base des palmes, ainsi qu’une odeur de fermentation du cœur du palmier.
Des palmes perforées de façon régulière en arc de cercle sont le signe d’une infestation de papillons.
Réglementation visant le charançon
Le charançon est classé comme « ravageur de quarantaine » et la lutte est encadrée par un ensemble de textes législatifs qui s’imposent aux collectivités ainsi qu’aux particuliers.
Les principes de lutte sont précisés par un arrêté ministériel du 25 juin 2019 qui remplace l’arrêté ministériel précédent du 21 juillet 2010. la liste des entreprises agréées, est disponible sur http://draaf.paca.agriculture.gouv.fr/Le-Charancon-Rouge-du-Palmier-en
A partir d’un point d’infestation charançon déclaré, deux zones sont définies :
- Zone contaminée : dans un rayon de 100 m autour du palmier contaminé
- Zone de sécurité : dans un anneau entre 100 et 200 m autour du palmier contaminé
Dans la zone contaminée, le propriétaire est tenu d’appliquer un traitement préventif à ses palmiers et en cas de contamination « charançon » avéré, de procéder à l’éradication soit par assainissement de la couronne en ne conservant qu’un moignon de palmes, ou si la contamination est trop importante, par abattage. Ces opérations ne peuvent être mises en œuvre que par une entreprise agréée.
Le ministère de l’agriculture a codifié en détail ces 2 protocoles d’interventions
Dans la zone de sécurité, le propriétaire à l’obligation d’une surveillance mensuelle consistant à rechercher les symptômes précoces d’infestation (et de traiter en cas de symptôme positif).
Stratégies de lutte préventive contre le charançon
Trois stratégies de lutte préventive sont définies par arrêté ministériel :
S1 : Lutte biologique par application au cœur du palmier de nématodes
S2 : lutte phytosanitaire par application au cœur du palmier d’un insecticide
S3 : lutte phytosanitaire par injection dans le stipe du palmier d’émémactine benzoate
En outre 2 souches de champignons Beauveria bassiana (Bb111 et Bb203) viennent d’obtenir une AMM (Autorisation de Mise sur le Marché) en 2018 pour lutter contre le charançon. Le protocole type proposé par les fabricants comprend 4 imprégnations de Bb en période estivale à compléter par 2 imprégnations de nématodes au printemps et 2 à l’automne, soit un total de 8 imprégnations du coeur du palmier par année.
Ce protocole est à ce jour expérimental et n’a pas été codifié par le législateur dans le cadre des stratégies de lutte homologuées (comme S1, S2 et S3). Ces 2 souches sont uniquement disponibles pour les professionnels agréés.
Stratégies de lutte préventive contre le papillon des palmiers
Il n’existe pas à ce jour de réglementation «papillon», cependant les stratégies S1, S2 et S3 présentent également une excellente efficacité contre le papillon. Le mécanisme d’action des larves du papillon étant similaire à celui des larves du charançon.
Un champignon, le Beauveria bassiana souche Bb147 (Ostrinil) est agréé spécifiquement pour la lutte biologique «papillon». Cette souche est disponible uniquement pour les professionnels agréés.
Les méthodes alternatives pour le particulier
Ces 3 stratégies de lutte agréées (qui sont les seules autorisées en zone contaminée) sont également celles offrant, hors zone contaminée, les meilleures chances de succès et seront donc à privilégier pour un particulier prêt à accepter le coût de ces traitements.
Le particulier a cependant la possibilité, hors zone contaminée, d’effectuer des traitements alternatifs plus souples en utilisant les stratégies S1 ou S2 en mode dégradé, c’est à dire en réduisant le nombre de passages pour réduire les coûts, mais avec pour conséquence de réduire également l’efficacité du traitement. S1 peut être mis en œuvre directement par le particulier en achetant les nématodes en coopérative agricole. C’est l’option la plus économique (même en effectuant les 10 applications annuelles) , sous réserve que le cœur du palmier soit raisonnablement accessible. S2 nécessite par contre de faire appel à un professionnel agréé. S3 consistant en une injection annuelle effectuée uniquement par un professionnel agréé par le fabricant, et il n’y donc pas d’alternative en mode dégradé.
Pour S1 ou S2, il s’agira d’imbiber par un écoulement lent et jusqu’à saturation, le cœur du palmier (et uniquement le cœur) avec la solution active, ce qui peut nécessiter pour un palmier adulte Phoenix canariensis jusqu’à 30 litres de solution. Pour permettre un bon écoulement, il est recommandé de débarrasser la zone apicale de tous détritus. En cas d’utilisation d’un pulvérisateur, il faudra enlever le filtre et le diffuseur, et rajouter une perche avec un bec pour obtenir un écoulement directement dans le coeur du palmier.
Nota : Depuis le 1er janvier 2019 la vente d’insecticides aux particuliers est interdite. Cependant le particulier a toute latitude pour utiliser les nématodes qui permettent de bons résultats à condition d’être très rigoureux quant au mode opératoire. Il faut effectuer l’imprégnation en l’absence de soleil (les nématodes sont rapidement détruits par les UV avant de pouvoir pénétrer dans le coeur) avec des températures entre 15 à 25 degrés. Lors de l’application il faut remuer en permanence la solution de nématodes. Pour de petits palmiers il est possible d’imprégner directement le coeur avec un arrosoir.
Importance des traitement préventifs.
La sauvegarde des palmiers (attaqués par le charançon et/ou le papillon est tributaire essentiellement des traitements préventifs. Une fois que l’infestation est installée, les traitements curatifs qui deviennent alors indispensables, ne sont malheureusement pas toujours couronnés de succès.
En outre, le coût annuel d’un traitement préventif est sans commune mesure avec le coût d’un abattage.
Un sachet de nématodes (permettant d’effectuer jusqu’à 5 imprégnations) coûte environ 30 € et permettra au particulier de traiter lui-même son palmier. A noter qu’il s’agit de la seule option accessible au particulier, tous les autres traitements nécessitant de faire appel obligatoirement à un professionnel agréé.
Une injection annuelle, à effectuer par un professionnel au printemps, coûte 72 € (pour les habitants des communes ayant un mis en place un programme de lutte collective).
A contrario, le coût d’abattage d’un palmier sera généralement supérieur à 1000 €. (en fonction de la taille).
Les bonnes pratiques culturales
Un palmier bien cultivé et en bonne santé résistera mieux aux attaques de ravageurs.
Trois règles simples de culture sont à privilégier :
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- Un bon drainage du sol. Les palmiers n’aiment pas l’humidité stagnante.
- Une bonne fumure annuelle. Les palmiers sont gourmands. Un ratio NPK (15-5-15) avec oligo-éléments est préconisé. Le fumier de mouton appliqué au printemps et à l’automne donnera également de bons résultats
- Un bon paillage. Avec du broyat ou des tontes de gazon, le palmier résistera mieux à la période chaude de l’été, sans qu’il soit nécessaire d’arroser.
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La biodiversité
Les perspectives
En dépit d’une réglementation de lutte « charançons » très précise et très complète applicable dès 2010, l’infestation n’a cessé de se développer sur la Côte d’Azur, cernée par des zones déjà fortement contaminées (Le Var et la Côte Ligure). Ceci peut s’expliquer par une adhésion trop partielle aux trois stratégies de lutte, principalement due au coût, à ce jour très élevé de mise en œuvre pour un particulier.
Les précautions
Les traitements à base de molécules chimiques présentent des risques importants pour la santé et pour l’environnement. Il convient de bien respecter les dosages, les précautions d’emploi ainsi que les protections (gants, masques, etc..) de l’opérateur. Le produit actif doit être répandu uniquement dans le cœur du palmier. Le travail à partir du sol (avec une perche) est fortement recommandé pour des raison de sécurité. S’il s’avère nécessaire d’utiliser une échelle, celle-ci doit être arrimée au stipe, et l’intervenant doit être équipé d’un baudrier pour s’arrimer à l’échelle.